• Moh Kafka

  • Catégories

  • Entrer votre adresse e-mail pour vous inscrire à ce blog et recevoir les notifications des nouveaux articles par courriel.

    Rejoignez les 9 autres abonnés

Interview: Djamel Laroussi, le Jazz algérianisé !

Djamel Laroussi, voilà un artiste qui mérite beaucoup de respect. Non seulement pour son talent mais aussi pour sa solide formation musicale. Même s’il fait un peu trop le fou sur scène, ce gars est vraiment un musicien d’exception.

laroussi-panaf

Voici une interview que j’avais réalisée après le Festival Panafricain d’Alger de 2009…


Un jour après la clôture du festival, quel bilan faites-vous ?

C’était un travail colossal qui a nécessité une grande préparation. J’ai fait pas mal d’interviews, j’ai rencontré des artistes de divers horizons et disciplines. Des spectacles de grande qualité étaient accessibles au public. C’est un grand effort qui a été fourni, chacun a apporté sa voix avec ou sans aide. Bravo à tout le monde.

Et si on parlait de vos passages à vous. A l’Esplanade par exemple où c’était pour le moins mémorable …

Oui absolument. En tout j’avais trois projets : j’ai fait un très bon concert avec mon groupe, le public était présent et il chantait avec moi, tout le monde était content. Le deuxième projet c’est le groupe L’An Jazz : l’idée était de réunir des algériens qui savent faire du Jazz. Il faut savoir qu’à la base il y a peu d’algériens qui maitrisent ce style mais leur nombre augmente et c’est tant mieux. J’ai donc formé un sextet avec : Smail Benhohou au piano ; Tarik Gasmi à la basse ; Nacim Brahimi au saxophone alto qui est né et a grandi en France mais qui a toute sa famille à Bab el Oued,  j’étais très heureux de découvrir (un peu grâce au Panaf) cet excellent jazzman algérien ; pour certains arrangements où j’avais besoin d’un autre saxophone j’ai pris Chico Freeman qui est un grand saxophoniste  de Jazz ; à la batterie il devait y avoir Nacer Menia, un très bon batteur algérien qui habite à Alger, on avait longtemps répété en Allemagne, tout était prêt mais il a eu un empêchement donc j’ai pris Mokhtar Samba (sénégalo-marocain) pour le remplacer et cela s’est très bien passé. Voilà c’est cela le groupe l’An Jazz. Vu qu’on a beaucoup répété, on a l’intention d’enregistrer un album très prochainement. Le projet consiste à algérianiser des standards de Jazz parce qu’il faut savoir que le Jazz possède des codes précis, le Jazz est une école !

Et votre expérience avec l’An Jazz est l’occasion d’inculquer cette culture jazz au public…

Exactement, il faut rappeler que le jazz est une musique aux rythmes ternaires et c’est très proche de notre musique ; le fameux rythme Berouali par exemple qui est ce qu’on appelle un 6/8. Pour parler technique, le swing du jazz consiste à accentuer le troisième temps du triolet. Notre musique aussi est basée sur des triolets mais avec un accent sur le deuxième. Donc j’ai pris des standards de jazz assez connus avec une écriture typique et je les ai algérianisés en mettant l’accent sur le deuxième temps au moment du thème et en gardant le swing jazz pour l’improvisation. J’ai pris sciemment des thèmes à structures différentes et je les ai algérianisés avec des musiciens algériens, Mokhtar Samba et Chico Freeman qui découvrait notre musique.

Et votre troisième projet c’est de produire la formation Chouyoukh ?

Oui, les Chouyoukh du raï. On avait fait déjà un concert dans le cadre du grand festival Rio Loco (France). C’était un super concert, on avait répété pendant trois semaines, on a travaillé sur l’arrangement des morceaux pendant plusieurs mois, on a été à Alger, Oran Sidi Bel Abbes… Cela s’est très bien passé. Chouyoukh, c’est un peu le Buena Vista Social club du raï. J’aurais voulu avoir plus de chouyoukhs du raï mais c’était assez dur parce que la plupart ont d’autres repères musicaux…

Justement, est-ce que la fusion se fait facilement ?

Pour moi et mes musiciens oui, parce qu’on a l’habitude de jouer dans les divers styles de musique algérienne. Mais pour les chanteurs (Boutaiba Sghir et Bouteldja Belkacem) il fallait réarranger un peu les morceaux pour qu’ils  se sentent à l’aise. C’est-à-dire que dans leur partie, il fallait faire roots comme on dit et puis plus moderne dans la partie instrumentale. Donc c’est de la musique moderne et un retour aux sources du raï en même temps. J’ai joué aussi un duo avec Botaïba sur le titre Dendana de  son album qui est sorti il y a de cela un mois. D’autre part, j’ai proposé aussi quelques groupes pour la programmation de ce festival et cela s’est très bien passé. Le public  algérien est vraiment extraordinaire. Je le dis moi, je ne suis peut-être pas objectif, mais Chico Freeman l’a dit lui-même dans une interview. Cela est très réconfortant pour les musiciens. Le long travail des arrangements, des répétitions et de la préparation est récompensé par cela.

Le dénominateur commun de tous ces projets semble être de trouver une formule algérienne de Jazz…

Absolument, c’est exactement cela. Il y a 40 ans, lors du premier festival panafricain il n’y avait pratiquement pas de Jazzmen. Il y avait Archie Sheep certes qui jouait avec une troupe Touarègue, chacun jouait sa musique de son côté. Il n’y avait pas vraiment de fusion, juste d’un côté du Jazz et de l’autre de la musique algérienne. Dans mon projet au contraire, j’ai pris des standards de jazz avec une structure bien précise et différents les uns des autres. Donc, si vous faites écouter cela à un musicologue il vous dira que Djamel a choisi vraiment une large gamme de structures dans le jazz et en a donné une vision algérienne. On a pris les morceaux et berouelnahoum (joué sur un rythme Berouali). Et c’était une surprise pour un habitué du jazz comme Chico Freeman.

Et le nom l’An Jazz, d’où vient-il ?

Eh bien, c’est landjass (la poire en arabe). Quand on a eu l’idée de créer un groupe de jazz pour l’Algérie on cherchait un nom. Sur le moment j’ai dit L’An-Jazz pour rigoler et c’est resté comme ça !

Que souhaitez-vous pour la culture en Algérie ?

Je parlerai de musique parce que c’est ce que je connais. Il faut qu’il y ait plus de scènes pour les jeunes groupes. Ils doivent se créer un public et puis en tant que musicien rester soi-même. Et puis plus de studios pour pouvoir s’enregistrer en Algérie.

Moh Kafka

Pour plus d’infos visitez le site officiel de Djamel Laroussi